Depuis l’Antiquité, l’abri formé par l’embouchure du St Eloi entre Penlan et Thora attire navigateurs en attente de vents propices et caboteurs en escale… Ainsi, le coeur du XIXe voit plus d’une centaine de ces caboteurs, tels que Belle de Vilaine entre deux campagne de pêche, remonter la rivière et s’amarrer à Thora pour charger/décharger du sel ou du grain.
Mais les rigueurs de l’hiver et les pluies automnales rendent les chemins boueux et le transbordement en charrettes fort délicat entre Billiers et Muzillac, d’où l’idée d’un aménagement du St Eloi pour en accroître la navigabilité, à l’instar des grands travaux fluviaux de l’époque…
En voici la saga :
17 août 1843
Exposé de l’avant-projet du canal de jonction
Le port de Billiers est situé à l’embouchure de la Vilaine, son entrée est facile, signalée aux navigateurs par le fanal de Pen-Lan et par trois balises en fer. Il peut recevoir de grands navires pendant les vives eaux. Dans les fortes marées la hauteur d’eau est en moyenne de 3m 50.
Cet établissement maritime sert principalement à l’embarquement des grains et des sels de la contrée. Il y vient annuellement 120 navires de diverses grandeurs. La navigation maritime s’étend jusqu’au bourg de Billiers placé à environ 200m de la mer ; au-delà, la rivière St Eloi, qui verse ses eaux dans le port, cesse entièrement d’être navigable, ce n’est plus qu’un ruisseau sans largeur ni profondeur.
Le conseil général a exprimé plusieurs fois le vœu que l’on exécutât les travaux nécessaires pour faire remonter cette navigation jusqu’à la ville de Muzillac qui est le point le plus important et le plus commerçant, bien qu’elle en soit éloignée de 4 500m, et que les chemins de communication soient généralement en assez mauvais états. La position qu’occuperait ce port en ferait en outre un précieux refuge pour les navires pris par le mauvais temps ou retenus par des vents contraires à l’embouchure de la Vilaine.
Le chenal de l’étier de Billiers passe aujourd’hui en amont du port ; mais les eaux se sont ouvert deux autres passages. Il convient de diriger désormais la navigation dans la passe du milieu.
L’ouverture d’un canal n’est pas le seul ouvrage que réclame Billiers, elle demande en outre la construction de quais d’embarquement et de débarquement dont le port est totalement dépourvu.
Nous reconnaissons encore l’utilité de ces travaux, car les opérations auxquelles donne lieu le commerce maritime ne peuvent s’effectuer commodément et économiquement sans le secours de quais. Pour satisfaire la localité, il faudrait établir ces ouvrages dans le port actuel ou stationne aujourd’hui la majeure partie des navires, et dans le bassin à créer à la tête du canal projeté. Un mur de quai de 100m de développement serait nécessaire et suffisant sur chacun de ces points pour les besoins du commerce. Ces constructions pourront se faire économiquement en se contentant d’y employer des matériaux de faibles dimensions.
Le terrain présente d’ailleurs assez de solidité pour permettre d’adopter des fondations peu dispendieuses.
Nous avons compris ces ouvrages dans l’avant projet que nous avons considérés comme nécessaires pour compléter l’amélioration du port de Billiers.
Nous pensons toutefois qu’il faudra préalablement s’occuper de l’ouverture du canal de jonction du port avec la ville de Muzillac, dont l’exécution est d’un bien plus haut intérêt pour le commerce.
Juillet 1843
Projet d’un canal
entre le port de Billiers et Muzillac.
La demande du Conseil Général semble motivée. Le marché des grains se tenant à Muzillac, il semble naturel de prolonger la navigation jusqu’à cette ville. L’embarquement pourrait alors avoir lieu sans exiger préalablement, comme aujourd’hui, des transports par terre fort dispendieux et à travers des chemins souvent impraticables pendant la mauvaise saison.
Le commerce de l’arrondissement attache une grande importance à ce projet dont l’exécution ne présente aucune difficulté, attendu que les terrains à traverser sont peu élevés et de niveau sur toute leur étendue.
Le tracé à adopter serait celui indiqué sur le plan. Il part de l’extrémité supérieure de l’étier de Billiers et se dirige en suivant la vallée vers le faubourg de Muzillac sur le point ou la rivière est rencontrée par la route Royale 165 de Nantes à Audierne. Il se compose de trois alignements ayant ensemble compris leur courbe de raccordement, un développement de 2233m25.
On ne pourrait s’en écarter, sans attaquer les coteaux environnants et sans se jeter dans des délais considérables. La largeur du canal à ouvrir a été portée à 10m de son plafond. Elle a été calculée de manière à permettre à deux navires de se croiser facilement et procurer aux eaux de la rivière la section nécessaire à leur écoulement.
Sous les murs de la ville de Muzillac nous avons projeté un bassin d’échouage de 100m de longueur (quartier de Pénesclus) pour le stationnement des navires.
Le fond du canal à sa partie supérieure est établi à la cote 14m61, il y montera conséquemment 3m d’eau dans les mortes marées et 5m dans les marées d’équinoxe, ce qui paraît bien suffisant pour les besoins du commerce.
L’entretien du canal est assuré par les passages des eaux de la rivière qui sont tellement abondantes qu’elles ont obligé de donner 12m de débouché aux ponts au moyen desquels elles traversent la voie Royale de Nantes à Audierne. Il n’y a donc point d’évasement à craindre.
Dans l’état actuel des choses, l’écoulement de ces eaux à travers le port de Billiers suffit pour détruire promptement tous les atterrissements qui peuvent s’y former. Le résultat sera bien plus certain lorsque le cours de la rivière sera redressé et que les eaux ne pourront plus se répandre sur les terrains riverains.
Lettre de refus du préfet.
Préfecture du Morbihan, Vannes le 16 mai 1862
Construction d’un canal de dessèchement entre Muzillac et le port de Billiers.
Monsieur l’ingénieur en chef des travaux maritimes,
L’examen du projet de construction d’un canal de Muzillac à la mer que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser le 6 juillet dernier, a fait reconnaître que ce projet n’a pas été étudié dans les conditions d’économie qui, selon les vues de mon prédécesseur, en eussent permis l’exécution.
Le chiffre considérable de la dépense prévue, que personnellement vous jugez même insuffisant, s’oppose à ce qu’il soit donné suite à cette affaire.
Mais ce qui me paraît possible d’après la visite des lieux que j’ai faite récemment, ce serait le dessèchement complet du marais par l’ouverture d’une rigole d’une profondeur suffisante pour permettre l’écoulement des eaux.
L’agriculture et la salubrité publique ont intérêt à ce que le dessèchement dont il s’agit soit exécuté le plus promptement possible.
Préfecture du Morbihan
2e Division, 3e Bureau
Les différentes étapes du projet.
31 mai 1843
décision ministérielle demandant un rapport
30 juillet 1843
plan général des lieux , nivellement du terrain entre Muzillac et Billiers, rapport de l’ingénieur ordinaire
17 août 1843
plan des lieux et tracé du canal projeté, profils en long et en travers, avant projet des ouvrages à exécuter
4 juillet 1846
plan des lieux et tracé du canal projeté, profils en long et en travers, avant projet des ouvrages à exécuter
24 février 1847
affiche annonçant l’ouverture d’une enquête
19 août 1848
décision ministérielle
14 juin 1851
plan des lieux, profils en long et en travers, plans coupes et élévations, tableaux des terrains compris dans le périmètre des inondations, bordereaux et analyses des prix, détail estimatif
6 juillet 1851
rapport de l’ingénieur ordinaire, avis de l’ingénieur en chef
16 mai 1862
opposition du préfet en raison du coût élevé.